Lauréat 2015 Cheikh Mbacké

 

Le Prix de l'UIESP a été décerné à Cheikh Mbacké au cours de la Réunion annuelle de la PAA à San Diego, le 29 avril 2015.

 

Le Prix du Lauréat 2015 a été attribué par le Conseil de l'UIESP à Cheikh Mbacké en reconnaissance de ses contributions exceptionnelles à l'avancement des sciences de la population et des services éminents rendus à l'Union. Cheikh Mbacké est honoré en particulier pour sa contribution à la recherche dans le champ des politiques démographiques et de santé et son soutien considérable à l'émergence d'une communauté africaine de recherche en population. 

 

Pour un aperçu plus complet des contributions de Cheikh Mbacké au domaine de la population veuillez lire la lettre de nomination ci-dessous.

 

 

Lettre de nomination de Cheikh Mbacké.

 

Cheikh Mbacké est membre de l’UIESP depuis 1989. Il a joué, depuis cette date, un rôle éminent dans différentes instances pour développer la recherche et la connaissance sur les questions démographiques dans les pays en développement, et plus particulièrement pour faire émerger une communauté de spécialistes en population venant d’Afrique. Il est rapidement devenu, par ses qualités intellectuelles et humaines, l’un des porte-paroles les plus écoutés du continent sur toutes les questions démographiques, en particulier sur les politiques de santé. 

 

Cheikh Mbacké, formé à l’institut national de la statistique et des études économiques (Paris), puis à l’institut de formation et de recherche en démographie (IFORD, Yaoundé, 1977-79) a achevé sa formation à l’Université de Pennsylvanie (1983-86) où il a obtenu un Ph. D. en démographie, en 1986. Il a ainsi établi des liens solides avec la communauté nord-américaine et contribué dès lors au développement des collaborations entre démographes anglophones et francophones. 

 

Dès 1986, Cheikh Mbacké devient chercheur au sein de l’unité socio-économique et de démographie du Centre d'Etudes et de Recherche sur la Population pour le Développement (CERPOD), au Mali, où il est ensuite responsable de la formation, ce qui restera un axe majeur de ses activités. En 1992, sa carrière prend un nouveau tournant, Il va désormais jouer un rôle déterminant pour créer un pont entre fondations internationales et institutions africaines de recherche. Jusqu’en 1998 il est chercheur senior en sciences de la population au siège de la fondation Rockefeller à Nairobi. Il est chargé de la mise en place des programmes de la fondation en matière de population pour l’Afrique et, à partir de 1999, est nommé directeur pour l’Afrique de cette fondation. Il a la responsabilité des programmes d’éducation, de sécurité alimentaire et de promotion de l’égalité en matière de santé. En 2003, il devient Vice-Président de la fondation Rockefeller, en poste à New-York, et supervise les programmes régionaux et leurs personnels. En 2005, il revient à son pays natal et met ses compétences au service de plusieurs ONG et fondations tant sénégalaises qu’internationales. Il est aussi professeur associé à l’Université Laval et consultant pour diverses fondations dont la fondation W. et F. Hewlett.

 

Cheikh Mbacké a choisi de vivre en Afrique, pour être au plus près de ses populations, afin que sa connaissance du terrain, comme ses travaux scientifiques, lui permettent d’identifier des politiques et stratégies efficaces pour promouvoir le développement du continent. Mais s’il a vécu et travaillé essentiellement sur le sol africain, il a également mené une exceptionnelle carrière internationale, ses compétences étant unanimement reconnues dans le champ des politiques démographiques des pays émergents et en développement. Son parcours institutionnel traduit sa capacité à créer des liens dans tous les continents, à mobiliser différents partenaires, à organiser administrativement et scientifiquement des programmes de recherche et de formation à l’intention des chercheurs de toutes origines intéressés par la démographie des pays en développement. Ces responsabilités administratives et managériales ne l’ont pas, pour autant, éloigné du monde académique et scientifique où il est toujours resté très actif. On ne compte plus les jurys de thèse et de mémoire, les présidences et discussions de séances dans des congrès, auxquels il a contribué. Il a été à l’initiative de nombreux programmes de recherche qu’il a soutenus, tant par ses propositions scientifiques que par son dynamisme personnel. Il a été, notamment, l’un des initiateurs d’un fleuron de la recherche démographique sur le sol africain, l’African Population and Health Research Center (APHRC, Nairobi) qui a offert un cadre idéal à de nouvelles générations de chercheurs confirmés. 

 

À tous les postes qu’il a occupés, dans les différentes instances internationales où il est intervenu et intervient encore, Cheikh Mbacké a eu pour préoccupation centrale la définition de politiques adaptées, mises en œuvre dans des institutions correspondant aux besoins prioritaires des populations. Homme de conviction, il est persuadé qu’il faut constituer des communautés scientifiques nationales et/ou régionales, travaillant dans des institutions reconnues sur le plan international. Les décisions en matière de santé, de maitrise de la fécondité, de bien-être de la population, de développement économique, doivent être prises au sein de chaque société, et pour ce faire, être nourries de la production de connaissances : statistiques démographiques, épidémiologiques, sociologiques. C’est le fil d’Ariane qui, tout au long de sa carrière, a donné leur cohérence à ses multiples activités, initiatives, engagements.

 

C’est dans le domaine des politiques de la santé qu’il a le plus œuvré en ce sens, plaidant pour l’indispensable évaluation de l’efficacité des systèmes de santé et des décisions des États en la matière. En témoigne son intérêt constant pour les laboratoires de population et par exemple sa participation au projet INDEPTH comme membre de son conseil d’administration. Mais la liste des conseils d’administration auxquels il apporte sa compétence est impressionnante et reflète la diversité de ses intérêts comme la générosité des engagements qu’il prend, tant dans son pays natal que dans des instances des Nations unies et des fondations privées internationales. 

 

Dès son affiliation à l’UIESP, il s’est impliqué dans les travaux de diverses commissions scientifiques. À partir de 1990, il est membre de la commission « Population et santé », thème de nombre de ses travaux lorsqu’il était chercheur au CERPOD. De 1996 à 1999 il intègre la commission « Fécondité et Planification familiale ». De 2006 à 2009 il sera membre du panel « croissance et bien-être de la population en Afrique ». Enfin de 2010 à 2013 il est membre du conseil de l’Union. Dans ces commissions successives Cheikh Mbacké a joué un rôle décisif, à la fois comme chercheur, présentant ou discutant des communications scientifiques et comme animateur, organisant la nécessaire logistique de rencontres, à sa manière discrète et efficace. Lors de son mandat de conseiller (2010-2013), Il a été l’un des artisans de l’engagement de l’UIESP dans le programme de formation des démographes francophones, entrainant l’appui de la fondation Hewlett. Preuve de son engagement personnel pour la formation de jeunes collègues et de la reconnaissance qu’ils lui portent, l’IFORD a créé un « Prix Cheikh Mbacké » destiné à récompenser les meilleurs travaux des étudiants et à stimuler l’excellence en recherche des jeunes Démographes formés dans cette institution. 

 

L’influence de Cheikh Mbacké sur l’avancement des sciences de la population ne peut se résumer à l’excellence de son parcours, rappelé ci-dessus car il a mené sa carrière sous le signe de l’urgence. Parce qu’il y avait encore pénurie de chercheurs sur les questions de population africaine, et en dépit de sa vocation profonde pour la recherche, il a souvent consenti, avec une générosité remarquable, à mettre ses intérêts de recherche au second plan pour concevoir et consolider les infrastructures institutionnelles de la recherche démographique en Afrique et permettre l’éclosion de nouvelles générations passionnées de recherche. Ses initiatives dans la création d’institutions autochtones de formation et de recherche, ses engagements constants auprès des étudiants, sa disponibilité pour faire connaître, dans des instances africaines ou internationales, les besoins prioritaires des populations, surtout les plus démunies, ont influencé de façon décisive l’évolution des connaissances en démographie, en Afrique, mais aussi dans tous les pays en développement. 

 

Cheikh Mbacké est l’un des démographes qui a le plus largement contribué à la floraison des connaissances dans le champ des politiques démographiques et de santé. Sa triple culture, Africaine d’abord, mais aussi européenne et américaine, a fait de lui un « passeur » pour tous les démographes et chercheurs en population, notamment entre milieux anglophones et francophones, trop longtemps séparés par la barrière linguistique. Est-ce cette triple culture qui le rend si attentif à tous ceux qu’il rencontre, si constructif dans les avis et évaluations qu’on sollicite de lui ? Au-delà de ses compétences de démographe, ses qualités humaines, sa modestie et son sens de l’humour contribuent largement à son leadership et à la réussite de ses initiatives professionnelles.  

 

Il est, sans conteste, l’un des scientifiques qui a le plus œuvré à la formation d’une communauté africaine de recherche en population. Au sein de l’UIESP il a joué un rôle essentiel dans la formation des démographes africains, dans le développement des travaux sur l’Afrique et le renouvellement des recherches africanistes. Pour toutes ces raisons, nous proposons la désignation de Cheikh Mbacké comme lauréat 2015 de l’UIESP.