Atelier de l'UIESP : Bien-être subjectif et démographie –
Prendre en compte le bien-être subjectif dans les projets de recherche démographiques

Chicago, États-Unis, 26 avril 2017 


Organisé par le comité scientifique de l'UIESP sur Bien-être subjectif et événements démographiques.


Organisatrice :  Letizia Mencarini (Centre Dondena pour la Recherche sur les dynamiques sociales et les politiques publiques)

  

Cet atelier a pris la forme d’une réunion parallèle avant la réunion annuelle de la Population Association of America qui s’est tenue à Chicago du 27 au 29 avril 2017. Il s’agissait d’un atelier informel pour les chercheurs intéressés par la prise en compte du bien-être subjectif dans l'analyse des processus démographiques. Les participants venaient d’horizons variés, ce qui se traduisait dans un programme clairement interdisciplinaire associant les visions de la démographie, de l'économie, de la sociologie et de la psychologie. L'atelier s’est appuyé sur un appel à communications, qui a recueilli un grand nombre de propositions de grande qualité, dont toutes n’ont pas pu être incluses dans les deux séances de l'atelier.

 

 

Letizia Mencarini (Présidente du comité scientifique de l'UIESP) a ouvert la réunion et présenté un aperçu de la littérature, en mettant l'accent sur les domaines dans lesquels la notion de bien-être subjectif est utilisée conjointement avec l'étude des événements et des processus démographiques. Elle a ensuite montré les lacunes et faiblesses de cette littérature, qui pourraient être considérées par la communauté scientifique. Elle a également fait plusieurs suggestions sur de nouvelles pistes de recherche.

 

Dans la première séance, Kelsey O'Connor de l'University of Southern California a présenté une communication sur l'impact de la Grande récession sur différents groupes de populations aux États-Unis. Il a montré que les conséquences profondes de la récession n'ont pas été également ressenties par les différents segments de la population. Les personnes nées à l'étranger en ont souffert davantage, les hommes plus que les femmes, et les plus âgés moins que les plus jeunes, alors que la baisse des revenus et la hausse du chômage expliquent le mieux ces effets. Cette analyse repose sur des régressions individuelles effectuées sur les données de la General Social Survey (de 1972 à 2014). Elle utilise des variables de contrôle au niveau macro pour estimer les tendances propres à chaque groupe et les écarts à la tendance observés en 2008 et 2010.

 

 

La deuxième communication, présentée par Daniele Vignoli (co-auteur Gianmario Alderotti) portait sur l'impact des contrats de travail à durée déterminée sur les intentions de fécondité, montrant le rôle du bien-être subjectif. L'analyse est novatrice car elle porte sur une population hétérogène. Celle-ci comprend aussi bien des personnes vivant dans des situations précaires, qui passent d'un contrat de courte durée à un autre, à des individus réalisant des carrières de haut niveau dans lesquelles les changements de contrats accompagnent la progression professionnelle. Ces deux types de travailleurs déclarent vraisemblablement des niveaux de bien-être subjectif différents. Effectivement, lorsque l’on contrôle pour le bien-être subjectif, ces deux groupes apparaissent distincts en terme d’intentions de fécondité.

 

La troisième communication, présentée par Kageyama Junji de l'Université Meikai (co-auteurs Risa Hagiwara, Kazuma Sato et Eriko Teramura) avait pour titre « Préférence pour un fils, satisfaction parentale et changement du rapport des sexes à la naissance ». Ce travail s’intéressait à l’effet du sexe des enfants déjà nés sur le bien-être subjectif déclaré, notamment dans les sociétés où il existe de fortes préférences de genre pour les enfants. Différents indicateurs du bien-être subjectif ont été considérés.

 

La quatrième communication, présentée par Nicolò Cavalli (Université d'Oxford), était intitulée « Choix du partenaire, bien-être subjectif et fécondité ». Cette communication abordait une question très intéressante et rarement traitée dans la littérature mais aussi, comme l'a souligné Nicolò Cavalli, difficile à résoudre d'un point de vue empirique. L'idée est que le bien être subjectif peut en partie gouverner le choix d’un partenaire. En utilisant l'enquête Understanding Society (ex-BHPS), l’auteur a présenté diverses stratégies pour essayer de vérifier cette hypothèse. Les premières analyses suggèrent qu'il y a potentiellement un effet important en ce sens que non seulement le bien-être subjectif lui-même augmente vos chances de trouver un partenaire, mais que les bien-être subjectifs des partenaires ont tendance à être concordants .

 

La cinquième communication, présentée par Wang Jia de l'Université du Wisconsin (co-auteur: Shu Cai - Université de Jinan), avait pour titre « Moins favorisé, plus optimiste, bien-être subjectif des populations rurales, migrantes et urbaines dans la Chine contemporaine ». Au-delà d’une présentation générale des analyses effectuées sur les données nationales récentes issues des études de panel sur la famille en Chine, les auteurs ont fourni de nouveaux résultats sur le bien-être subjectif à travers de multiples indicateurs portant sur les populations rurales, migrantes et urbaines de la Chine contemporaine. Les populations rurales ont en moyenne un niveau de satisfaction plus élevé et ont plus confiance en l'avenir que les migrants ou les résidents urbains, malgré une situation économique plus défavorisée. Les analyses de décompositions montrent que le statut social subjectif joue un rôle important dans les différences de satisfaction et de confiance, alors que le statut social objectif et la mobilité sociale ont moins de pouvoir explicatif. Ces résultats montrent l'importance d’effectuer des comparaisons intra-groupe pour dessiner le bien-être des individus dans des sociétés cloisonnées telles que la société chinoise.

 

La dernière communication présentée par Letizia Mencarini de l'Université Bocconi (Co-auteurs: Pierluigi Conzo (Université de Turin) et Giulia Fuochi (Université de Padoue) portait sur l'impact de la procréation sur le bien-être subjectif des hommes et des femmes à différents âges (c’est à dire aux différents stades de la vie) en Éthiopie rurale. Cette contribution est une des très rares études sur la fécondité et le bien-être subjectif dans des milieux à faible revenu. Les auteurs ont montré que la fécondité a un effet à court terme néfaste sur le bien-être subjectif des femmes lorsque les enfants viennent de naître ou sont encore jeunes, alors qu'elle a un effet positif sur le bien-être subjectif des hommes plus âgés. Ces résultats éclairent les relations complexes entre fécondité et pauvreté souvent mis en évidence pour les pays à faible revenu. Ils confirment les études anthropologiques selon lesquelles le statut social (et donc le bien-être subjectif) est plus élevé pour les hommes vieux s'ils ont un grand nombre d'enfants, ce qui est en revanche contre-productif en termes de pauvreté.

 

Hans-Peter Kohler a conclu l’après-midi en discutant les différentes contributions et en évoquant de nouvelles orientations pour la recherche, tenant compte des résultats présentés lors de la rencontre. Au cours de la discussion finale, Art Liefbroer a soutenu l’idée qu'une faiblesse de la plupart des enquêtes existantes tient au fait que les questions concernant le bien-être subjectif ont tendance à être trop larges. Le plus souvent, il est demandé aux enquêtés de noter leur niveau de bonheur ou de satisfaction de la vie sur une échelle de 0 à 10. Cependant, étant donné que la vie familiale, y compris la maternité, est faite de toute une gamme d'éléments dans différents domaines, les enquêtes existantes devraient être élargies pour mieux capter ces particularités. Les membres du comité scientifique ont rejoint cette préoccupation mais certains comme Letizia Mencarini ont également souligné que certaines enquêtes comportent des questions sur le bien-être subjectif dans différents domaines. Finalement, il semble bien que selon le domaine les relations entre bien-être subjectif et événements démographiques sont différentes. 

 

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Financement : Le soutien financier pour cet atelier provient d'une subvention de SWELL-FER Subjective Well-being and Fertility, ERC n. StG-313617, PI. Letizia Mencarini.