Démographie : l'étude scientifique des populations
Dans sa plus simple définition, la démographie est l’étude scientifique des populations humaines. Selon Landry (1945), le terme démographie a été utilisé la première fois par le statisticien belge Achille Guillard dans les Eléments de statistique humaine, ou démographie comparée, publiés en 1855. Mais c’est l’ouvrage de John Graunt Natural and Political Observations Mentioned in a Following Index, and Made Upon the Bills of Mortality, paru en 1662 à Londres, qui est le plus souvent reconnu comme la première étude démographique publiée. Cet ouvrage a montré l’utilité des compilations de données sur la population de Londres en présentant des statistiques sur un grand éventail de caractéristiques comme l’emploi, la composition par âge et sexe, la santé et l’environnement. Graunt a aussi publié une première ébauche de table de mortalité qui, après développement par Edmund Halley et Joshua Milne, a conduit à la publication de la première table de mortalité officielle par William Farr, sur la base des rapports scientifiques du General Register Office de l’Angleterre-Pays-de-Galles. La table de mortalité décrit les âges auquel un événement, la mort, survient dans une population. Les concepts statistiques de la table de mortalité sont encore aujourd’hui les éléments fondamentaux des méthodes démographiques. Les mesures démographiques reposent sur des concepts et des méthodes issus de la statistique et des mathématiques.
Plus largement, les méthodes démographiques cherchent à décrire si et quand un événement survient dans une population. Les principaux événements étudiés sont la grossesse, le décès, la maladie, le handicap, la migration, la mise en couple et la rupture d’union, l’entrée à l’école ou dans l’emploi et la sortie de ces systèmes, l’entrée et la sortie dans différents types de logements et modes d’occupation. Toutefois les méthodes démographiques peuvent être appliquées à une gamme bien plus large d’événements vécus par les populations humaines. L’analyse des biographies permet d’étudier la survenue de différents événements durant la vie d’un individu.
Les théories en démographie cherchent à expliquer pourquoi et comment les individus connaissent certains événements. Par exemple, elles s’intéressent à comprendre les raisons de la longévité, des grossesses adolescentes, de l’échec scolaire, de l’apparition d’une maladie comme le VIH-sida, de la plus ou moins grande létalité d’une maladie, de la migration des campagnes vers les villes ou d’un pays vers un autre, des ruptures d’union, du choix du mode d’occupation de son logement. Pour développer ses propres théories, la démographie s’appuie sur les acquis d’autres disciplines : économie, sociologie, anthropologie, épidémiologie, géographie, santé publique, biologie, écologie, et sciences de l’environnement. Ces théories sont essentiellement définies sur la base d’analyses comparatives, dans l’espace et dans le temps et entre différents sous-groupes de populations. De ce point de vue, la démographie est intrinsèquement comparative. Les méthodes utilisées sont principalement quantitatives mais la complexité des comportements humains demande souvent de recourir aussi à des méthodes de recherche qualitative.
La démographie traite aussi des conséquences pour les populations de la survenue d’événements « démographiques ». En premier lieu, elle s’intéresse ainsi à la taille, à la structure par âge, à la répartition géographique des populations, qui dépendent directement du nombre de naissances, de décès et de migrations. Un indicateur démographique majeur, le taux de croissance de la population, est calculé directement à partir des taux de mortalité, de natalité et de migration. Pour comprendre les taux de croissance passés et présents des populations et pour prévoir les taux à venir, il faut connaître précisément l’histoire passée et présente de ces différents événements démographiques. Plus largement ceux-ci affectent la composition de la population pour une large gamme de caractéristiques : âge, lieu de résidence, statut marital, statut parental, éducation, emploi, profession, maladie, handicap, logement, ethnicité et religion. Ces caractéristiques pèsent à leur tour sur un large éventail de comportements, comme la consommation, le vote ou les loisirs.
Les politiques démographiques cherchent à mettre en œuvre des mesures qui influencent le cours des événements démographiques. Par exemple, le taux de natalité peut être sensible à la fourniture de moyens contraceptifs ou à l’octroi d’avantages aux familles avec enfants. Les mouvements internationaux de population peuvent être affectés par des politiques migratoires nationales. Les politiques de santé publique visent à réduire les taux de mortalité et de morbidité. Le développement de l’éducation sera influencé par l’instauration de l’école obligatoire et les aides octroyées aux jeunes pour rester plus longtemps à l’école. La croissance de la population d’une localité dépendra de la disponibilité des emplois et des logements à cet endroit.
Les politiques visant à influencer les événements démographiques peuvent être un sujet sensible car elles touchent à des zones importantes et intimes de la vie des individus. C’est cet aspect politique de la discipline qui fait que la démographie doit aussi se préoccuper de l’éthique et des droits de l’homme. Ainsi les études démographiques se penchent sur des questions comme l’accès à la santé de la reproduction pour tous les membres d’une population, les avancées sociales permettant de réduire la mortalité maternelle, la lutte contre la traite des personnes et les droits respectifs des citoyens et des non citoyens d’un même pays.
Référence
Adolphe Landry. 1945. Traité de démographie. Paris: Payot.
Peter McDonald 2014