Faire avancer la Révolution des données en AfriqueRéunion-débat à la 7e Conférence africaine sur la population Pretoria, Afrique du Sud, 1er décembre 2015 – 11h00-12h30
Cette séance organisée par l’UIESP visait à stimuler les discussions entre démographes et spécialistes des données, pour favoriser en particulier une meilleure mise en oeuvre de la révolution des données dans les années à venir : programmes d’action ayant des effets rapides, investissements et activités de plus long terme, définition de priorités (nationales ou internationales, qualité ou quantité de données, variables à privilégier, types de données, niveaux de désagrégation acceptables,…), contournement des obstacles, redéfinition du rôle des collaborations internationales, élaboration de nouvelles approches pour diffuser rapidement et utilement les informations aux acteurs politiques, aux responsables locaux et à la société civile. Cette réunion avait donc pour but de susciter des idées pour s’attaquer à ces différentes questions.
Thomas LeGrand, vice-président de l’UIESP et professeur à l’Université de Montréal a modéré la séance à laquelle ont contribué les 6 panélistes suivants :
La séance s’est déroulée sous la forme d’une table ronde, organisée avec un « format Davos ». Après une brève introduction, Tom LeGrand a posé des questions précises aux experts qui avaient chacun 5 minutes pour y répondre, avant de laisser la place aux questions et commentaires de la salle. Ce format a permis d’avoir une séance rythmée et dynamique. Il n’est pas possible dans ce court article de rendre compte de l’ensemble des interventions. Voici donc un bref résumé des interventions très riches de chacun des panélistes.
Pali Lehohla a insisté sur l’importance des instituts nationaux de la statistique. Il est urgent de construire une infrastructure solide au niveau des agences statistiques nationales pour la production des données et le calcul d’indicateurs. Il s’inquiète du rôle prépondérant dans la révolution des données et les ODD des politiques internationaux et des technocrates, dont les intérêts sont loin des priorités nationales et qui ne prennent pas en compte les avis et les préoccupations des instituts statistiques nationaux. Les statisticiens doivent jouer un rôle majeur. Si les objectifs de développement durable restent aux seules mains des politiques et des technocrates, ils ne pourront pas apporter de réponse satisfaisante.
Alex Ezeh a lui-aussi plaidé pour un renforcement des institutions statistiques et des centres de recherche qui doivent acquérir autonomie et indépendance pour produire des données de qualité durablement. Pour ce faire, il est nécessaire de garantir un financement stable leur permettant de résister à la pression politique qui risquerait de mener à une production de données imprécises ou biaisées. Ce financement national permet de favoriser les priorités locales face à celle des donateurs extérieurs. Au-delà du soutien apporté à la collecte des informations, il est crucial de financer aussi les analyses et de favoriser le partage des données. Augmenter la quantité de données ne signifie pas forcément une meilleure qualité. Il est crucial de mettre l’accent sur la qualité, car des données imprécises peuvent conduire à des politiques et des programmes mal ciblés.
En termes de formation, Tom Moultrie a demandé un renforcement des compétences des bureaux nationaux de statistiques. L’enseignement à distance pourrait être un des moyens. Au-delà de la production de données, il faut pouvoir juger de leur qualité, assurer leur harmonisation. Pour ce faire il propose de développer des partenariats entre Universités, centres nationaux de statistiques et organisations internationales.
Rachel Snow a déploré le déséquilibre entre les grosses masses d’argent consacrées à la collecte des données (recensements, enquêtes) et le peu d’usage qui était fait de ces grandes quantités d’informations recueillies. Elle juge essential de construire des centres de recherche d’excellence sur le continent africain pour produire des analyses localement. Malheureusement l’austérité du budget UNFPA 2016 ne lui permet actuellement pas de s’engager concrètement.
Stéphane Helleringer est revenu sur la question de la qualité des données et sur les problèmes techniques rencontrés pour s’assurer de la précision de ces données. Les indicateurs calculés à des niveaux très fins de désagrégation souffrent d’une certaine incertitude. Il est donc nécessaire de fournir un intervalle de confiance pour les estimations, intervalle qui devrait pouvoir se rétrécir avec l’amélioration de la qualité des données. Il est également très important de savoir la part des données manquantes et de s’assurer de le cohérence interne des données, ainsi que de confronter les différentes sources entre elles.
Patrick Gerland enfin a souligné l’importance des dénominateurs, c’est à dire des différentes populations soumises au risque, pour calculer les indicateurs. En raison des migrations internes ou internationales et de l’urbanisation, ces dénominateurs changent très rapidement et doivent donc être régulièrement ajustées. Il a montré qu’au-delà du compte des événements vitaux, comme les naissances et les décès, le bon fonctionnement de l’état civil garantit les droits des personnes : l’entière reconnaissance d’un individu passe en premier lieu par l’enregistrement officiel de sa naissance.
Toutes ces interventions ont clairement montré combien l’expertise des démographes est nécessaire si l’on veut qu’au-delà d’un simple slogan, la révolution des données devienne un véritable outil de développement. Cette séance très riche a passionné un auditoire très fourni. On peut juste regretter que le temps ait manqué pour pouvoir prendre toutes les remarques et commentaires de la salle. Nul doute que l’UIESP aura à cœur de renouveler l’expérience en d’autres lieux.
|
|