France Meslé - Lauréate 2025  Le Conseil a élu France Meslé comme lauréate de l'UIESP 2025 en reconnaissance de sa contribution exceptionnelle au domaine de la population et des services rendus à l'UIESP. La cérémonie de remise du Prix se tiendra en format hybride, le mardi 7 octobre 2024 à l'Ined (Campus Condorcet, Paris/Aubervilliers) et en ligne (zoom) de 14h30 à 15h45 temps universel (16h30 à 17h45 heure de Paris). Notez la date dans vos calendriers ! Pour plus de détails sur les réalisations et les contributions de France Meslé dans le domaine de la population, veuillez lire la lettre de nomination. Lettre de nomination letter de France Meslé:
Nous aimerions proposer la candidature de France Meslé au Prix du lauréat de l'UIESP pour avoir fait preuve d'excellence dans le domaine des études démographiques et pour son engagement dans la discipline. Brillante chercheuse, auteur d'une œuvre scientifique abondante et novatrice, France Meslé a également contribué à l'intérêt général, au bénéfice de la démographie et de l'avancement de la communauté scientifique internationale, ainsi qu'à la formation et à l'encadrement de nouvelles générations de chercheurs en sciences de la population. France Meslé a obtenu un doctorat d'études médicales à l'Université Paris VI en 1980 mais, intéressée par le rôle des facteurs sociaux sur la santé, elle a rapidement été intégrée comme chercheure à l'Institut national d'études démographiques (INED). Elle s'est dès le départ enthousiasmée pour la démographie, comblant son besoin de formation complémentaire en s'inscrivant à l'Institut de démographie de Paris où elle a obtenu une maîtrise de démographie en 1982, s'inscrivant ainsi dans une longue lignée de médecins ayant manifesté un intérêt pour les sciences sociales. Comme Louis René Villermé ou Jacques Bertillon à leurs débuts, ou comme Maurice Aubenque, Jean Sutter et Jean-Noël Biraben plus récemment, elle a apporté sa pierre à l'édification d'un pont essentiel entre la science médicale et les phénomènes démographiques, avec une attention particulière au contexte social, politique et environnemental plus large des tendances et des différentiels de mortalité et d'espérance de vie. Jusqu'à son embauche à l'Institut français d'études démographiques (INED), les enquêtes sur l'évolution de la mortalité et de la longévité humaine ne s'appuyaient pratiquement jamais sur une analyse des causes médicales de décès, un domaine rarement abordé par les démographes, comme en témoignent les thèmes couverts par les conférences internationales de l'époque. Son embauche par l'INED a été spécifiquement conçue pour combler une lacune qui avait été identifiée par des précurseurs comme Jean-Noël Biraben, Jacques Vallin ou Alfred Nizard, à qui nous devons son recrutement. Toute la carrière de France Meslé a été centrée sur la nécessité de mieux apprécier les moteurs de l'augmentation séculaire de l'espérance de vie et des changements dans la structure de la mortalité, mais aussi de comprendre les reculs majeurs des progrès sanitaires ici et là au cours du siècle dernier. Les systèmes de statistiques de l'état civil des pays à revenus élevés comprennent des informations sur les causes de décès depuis la fin du XIXe siècle et ces statistiques ont parfois été collectées à une époque encore plus ancienne. Au cours du siècle dernier, ces données ont été traitées conformément aux règles élaborées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et les causes de décès ont été systématiquement codées selon les codes standard de l'OMS de la Classification internationale des maladies (CIM). Toutefois, le haut degré de technicité des informations disponibles (codes CIM) ainsi que les modifications périodiques de la classification, qui perturbent gravement les séries chronologiques des taux de mortalité par cause, avaient découragé les efforts visant à donner un sens à ces données afin de mieux comprendre les tendances et les différences en matière de mortalité. Pendant plus d'un siècle, les statistiques produites depuis le milieu du XIXe siècle ont attendu la clé de lecture qui les rendrait enfin intelligibles et significatives. Avec Jacques Vallin, France Meslé a joué un rôle déterminant dans le développement d'une méthode originale pour reconstruire de manière comparative des séries homogènes d'indicateurs de mortalité par cause, qui s'est avérée extrêmement puissante pour la compréhension de la révolution de la longévité au XXe siècle. D'abord appliquée à la France pour reconstituer son histoire sanitaire depuis 1925, la méthode a permis de prendre toute la mesure de la "révolution cardiovasculaire" des années 1970 dans la reprise inattendue de l'allongement de l'espérance de vie, bien au-delà de ce que permettait la maîtrise des maladies infectieuses. Elle a ensuite été appliquée aux pays communistes d'Europe centrale et de l'ex-URSS, confirmant que le renversement de tendance du milieu des années 1960 résultait de l'incapacité spécifique de ces pays à profiter de la révolution cardiovasculaire mais aussi à enrayer la montée des fléaux sociaux (alcoolisme, accidents et autres morts violentes en particulier). Ces résultats ont remis en cause certains aspects de la théorie classique de la "transition épidémiologique" d'Abdel Omran. La promesse d'un progrès continu et universel de la durée de vie avec une convergence systématique du niveau d'espérance de vie entre les pays du monde grâce aux avancées de la science médicale, élément clef de la théorie, a été clairement contredite par les faits, qu'il s'agisse de la crise sanitaire de longue durée dans les pays d'Europe de l'Est ou des ravages imprévus de l'épidémie de SIDA en Afrique sub-saharienne. La théorie de la transition épidémiologique avait le double défaut de se focaliser essentiellement sur le progrès médical sans tenir compte des contextes économiques, sociaux et politiques qui caractérisent chaque époque et chaque population, et de postuler que le progrès scientifique renforce automatiquement l'espoir de voir les pays aux espérances de vie les plus faibles rattraper leurs pairs plus avancés. La théorie des cycles "divergence-convergence", dont France Meslé a été l'un des principaux concepteurs, montre au contraire que toute innovation en matière de santé (médicale ou autre) entraîne d'abord une divergence entre les pays (ou groupes humains) les mieux préparés à en tirer parti (donc, le plus souvent, ceux qui se caractérisent par des niveaux d'éducation et de richesse plus élevés) et les autres. Ce n'est que dans un second temps, après avoir acquis les moyens et les infrastructures nécessaires, que ces derniers peuvent rattraper les pionniers, à moins qu'entre-temps une autre innovation ne déclenche un nouveau processus de divergence... expliquant ainsi l'extrême diversité des niveaux de longévité humaine à travers et au sein des populations mondiales. Chercheuse hors pair, France Meslé ne s'est jamais enfermée dans sa tour d'ivoire. Au contraire, elle a toujours fait preuve d'un fort engagement collectif, que ce soit à l'INED ou à l'extérieur, en France ou ailleurs. Elle a toujours assumé sa part de responsabilités dans le petit monde difficile de la recherche scientifique, par exemple en tant que membre actif d'un syndicat de l'INED, en tant que membre engagé des organes administratifs de l'INED, et bien sûr à travers ses activités à l'UIESP. Grâce à cela, mais aussi à la sagesse largement reconnue par ses pairs, elle a été élue et réélue à plusieurs reprises à la Commission d'évaluation des chercheurs, au Conseil scientifique et au Conseil d'administration de l'INED, contribuant ainsi à façonner la démographie en France. Élue ou nommée, elle a également participé à de nombreuses commissions de recrutement, tant pour les chercheurs que le personnel administratif et technique. N'hésitant pas à s'engager sur le plan syndical, elle a beaucoup œuvré à la fin des années 1980 pour que l'INED obtienne la reconnaissance juridique qu'il méritait en tant qu'établissement de recherche scientifique et non comme simple conseil du gouvernement en matière de politique démographique. Elle a également joué un rôle actif lors des différentes restructurations de l'INED, notamment lorsque, à la fin des années 1990, l'institution s'est trouvée dangereusement menacée dans son existence même. Enfin, de 2003 à 2007, elle a dirigé l'une des plus grandes équipes de recherche de l'INED, l'équipe "Mortalité, santé et épidémiologie". En dehors de l'INED, les compétences de France Meslé ont également été mises à profit, notamment en tant que membre d'un certain nombre de groupes d'experts en France, tels que le Haut Comité d'étude et d'information sur l'alcoolisme, l'Observatoire national de l'enfance en danger, ou le comité destiné à promouvoir le développement et le traitement éthique des registres du cancer. Sur la scène internationale, elle a participé à un nombre tout aussi important de groupes d'experts au sein de diverses organisations, telles que le Conseil de l'Europe, les prestigieuses Académies nationales des États-Unis ou, à un niveau encore plus élevé, la Division de la population des Nations unies. Elle a pris une part active dans des organisations professionnelles internationales de premier plan, notamment l'Association européenne d'études démographiques, la Population Association of America et, bien sûr, l'Union internationale pour l'étude scientifique de la population, au nom de laquelle elle a dirigé des comités scientifiques ou organisé des sessions spéciales pour les conférences générales et où elle a d'abord été secrétaire générale (de 2014 à 2017), puis membre du Conseil (de 2018 à 2021). France Meslé est également une grande communicatrice. Sa capacité à traduire dans une langue accessible à tous les résultats de ses travaux lui a été utile pour son travail prolifique d'édition et de publication, avec une longue liste d'articles dans certaines des meilleures revues de démographie et d'autres médias scientifiques, ainsi qu'un certain nombre d'ouvrages et d'articles d'encyclopédie. Elle a été rédactrice en chef de médias écrits (comme le European Journal of Population) et numériques (le site web de l'INED, qu'elle a contribué à créer en 1997). En 2007, elle a été invitée à participer à l'évaluation de la revue Demographic Research, qui est devenue depuis l'une des revues les plus cotées en démographie. Depuis 1999, elle est membre du comité éditorial de la publication de l'INED consacrée à la vulgarisation des résultats des recherches de l'institut, Population et Sociétés. Elle a également contribué à des publications plus spécialisées visant à éduquer les non-démographes aux principales questions dans ce domaine, par exemple en tant qu'auteure de plusieurs chapitres dans les Traités de démographie, une somme monumentale de connaissances démographiques, ainsi que dans l'Encyclopédie des sciences sociales, et l'un des principaux éditeurs d'un Dictionnaire de démographie qui a impliqué la coordination et la supervision des efforts de centaines de chercheurs à travers une grande variété de domaines scientifiques. Ses qualités de communicatrice ont également fait d'elle une enseignante remarquable, et sa gentillesse et sa générosité l'ont amenée à devenir un mentor très apprécié, comme en témoignent plusieurs des signataires de cette lettre. Excellente pédagogue, elle a enseigné, avec une passion et une force de conviction constantes, à tous les niveaux où les connaissances et les méthodes démographiques peuvent être enseignées, que ce soit pour former des travailleurs sociaux (à l'Institut régional des travailleurs sociaux de Melun), des cadres de santé publique (à l'École nationale de santé publique de Rennes, première école de santé publique au monde), des professionnels de la santé (à l'École nationale de santé publique de Paris, classée première au niveau national) ou des médecins légistes (à l'Institut médico-légal de Paris), mais aussi et surtout, bien sûr, des étudiants en démographie, de niveau Master et doctorat (à Science-Po Paris, à l'Institut de démographie de l'Université Paris I, ainsi qu'à Paris IV et Bordeaux IV). Dès leur création, elle a également rejoint le corps professoral de la récente École doctorale européenne de démographie ainsi que de l'École d'économie de Paris. Sa carrière scientifique est directement nourrie de son intense activité de recherche, non seulement à travers la supervision officielle ou officieuse de thèses de doctorat, mais aussi en tant comme mentor de nombreux jeunes chercheurs d'origines géographiques et de milieux culturels variés qu'elle a encouragés pour plusieurs d'entre eux à rejoindre l'équipe qu'elle a contribué à constituer à l'INED. Elle a été aidée en cela par son talent pour développer des projets nationaux et internationaux pour lesquels elle a pu obtenir des financements importants. Ses travaux ont permis de mieux comprendre les tendances et les différences en matière de longévité humaine, fournissant ainsi les outils nécessaires aux praticiens de la santé publique et aux autorités gouvernementales pour concevoir des programmes et des interventions plus efficaces. Elle a consacré sa carrière à un effort extrêmement rigoureux de collecte, de traitement, d'analyse et d'interprétation des statistiques sur les causes de décès dans une perspective comparative et à l'établissement de passerelles avec une série d'autres domaines scientifiques (médecine, santé publique et épidémiologie en particulier, sans hésiter à franchir les frontières disciplinaires en quête des forces motrices à l'origine des modèles mis au jour par ses recherches). Elle a en même temps poursuivi ses contributions inlassables à la transmission de connaissances, un élément essentiel de ce parcours scientifique exemplaire. Magali Barbieri et Jacques Vallin Cette candidature est soutenue par (par ordre alphabétique) : - Graziella Caselli (Italie)
- Vladimir Canudas-Romo (Mexique)
- Maria Eugenia Cosio Zavala (Mexique)
- Viviana Egidi (Italie)
- Anastasia Gage (États-Unis)
- Jenny Garcia (Venezuela)
- Pavel Grigoriev (Belarus)
- Reiko Hayashi (Japon)
- Juris Krumins (Lettonie)
- Thérèse Locoh (France)
- Vladimir Shkolnikov (Russie)
- John Wilmoth (États-Unis)
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