Séance en ligne : « Recherche et programmes sur les couples et la santé de la reproduction » 

Zoom, 5 May 2020

 

Le Comité de l'UIESP Santé reproductive et fécondité des couples a organisé cette séance de travail en ligne (sur Zoom) le 5 mai 2020 (de 15h00 à 16h30 UTC), à la suite de l’annulation de la séance prévue à la veille de la Réunion annuelle 2020 de la Population Association of America (PAA).

 

L’objectif de la séance était de présenter des idées (pour des recherches futures, un bref aperçu de la conception d’une étude ou la formulation de nouvelles hypothèses) et d'obtenir des commentaires, plutôt que de présenter des résultats. Les cinq présentations - deux d'Amérique du Nord, deux d'Inde, une d'Afrique - ont été sélectionnées par un appel à communications. Pour que la réunion demeure restreinte, afin d'encourager la discussion, les invitations à participer à cet atelier virtuel ont été envoyées uniquement à ceux et celles qui s'étaient inscrits à la réunion d’origine qui devait se tenir à la PAA 2020 ainsi qu'aux participants qui avaient assisté à une séance en ligne de la PAA organisée sur un sujet connexe.

 

Quarante-deux participants ont assisté à la séance, parmi lesquels le président du Comité de l'UIESP, Stan Becker, trois de ses membres – Vissého Adjiwanou, Ambrose Akinlo et Neetu John – et le chargé de liaison avec le Conseil de l'UIESP Jean-François Kobiané.

  

Capture d'écran de la session zoom « Recherche et programmes sur les couples et la santé de la reproduction » (5 mai 2020)

 

Après une introduction par le président de l'UIESP, Tom Legrand, Stan Becker a fait une présentation générale de la question.

 

Stan Becker a souligné que les partenaires masculins sont souvent exclus de la recherche et des programmes de santé de la reproduction alors même qu'ils étaient été inclus dans la recherche sur la planification familiale dans les années 1950 - la raison en était que presque toutes les méthodes contraceptives disponibles (préservatifs, calendrier, retrait) impliquaient alors la participation masculine. Mais avec l'introduction de la pilule et du stérilet, la contraception est devenue médicalisée et les hommes en ont été écartés. Les démographes ont emboîté le pas et les enquêtes mondiales sur la fécondité (à une exception près) et les enquêtes démographiques et de santé n'ont inclus que les femmes jusqu'en 1987, quand les hommes ont été « redécouverts ». Ceci s’explique par la prise de conscience que le préservatif constituait la principale intervention pour prévenir la transmission du VIH et les hommes utilisaient des préservatifs ! Sept études longitudinales ont permis de montrer que les préférences de fécondité des deux conjoints étaient nécessaires pour prédire avec le plus de précision une naissance au sein d’un couple au cours de la période reproductive. De plus, les études expérimentales sur le counseling pour les couples dans le domaine de la contraception, par opposition au counseling réservé à la femme, ont généralement montré une utilisation significativement plus élevée de la contraception avec le counseling pour les couples. Bien entendu, pour les aspects de la reproduction qui concernent directement les femmes (accouchements, avortements), c’est à la femme de décider si elle souhaite que son partenaire soit impliqué ou non. Les services de santé de la reproduction peuvent bénéficier de l'implication de partenaires masculins. La profession médicale en a déjà pleinement conscience pour ce qui concerne l'infertilité. Mais des études ont montré des effets positifs de l'implication des deux partenaires pour la stérilisation contraceptive, le traitement des MST et l'allaitement maternel et il y a probablement des effets positifs de l'implication des hommes dans les programmes visant à réduire la mortalité infantile et maternelle, bien que les études manquent encore. (Pour plus d'informations, visionnez la vidéo pré-enregistrée de l'introduction de Stan Becker sur le sujet.)

  

L'introduction de Stan Becker a été suivie de cinq courtes présentations.

 

Ilene Speizer: Rapport entre désirs de fécondité au niveau du couple et résultats en termes de planification familiale et de fécondité : analyse longitudinale avec des données sur une sélection de sites urbains au Nigéria.

En utilisant les données longitudinales des couples du projet « Measurement, Learning and Evaluation » collectées dans des sites urbains au Nigéria, Ilene Speizer a montré que dans ce contexte, il existe une forte corrélation entre les désirs de fécondité des hommes et des femmes. En outre, elle a montré que les perceptions des femmes sur les désirs de leurs partenaires étaient en corrélation avec leurs propres désirs. Dans les analyses multivariées examinant les femmes qui ont eu une grossesse ou un accouchement au cours de la période de suivi de quatre ans, il a été observé que si l'un des partenaires avait souhaité une grossesse durant la période de référence, la femme était plus susceptible d'avoir eu une grossesse ou un accouchement. Dans ce contexte de fécondité élevée et de faible utilisation de la planification familiale, le fait d'avoir les données sur les hommes n'ajoutait rien de significatif aux modèles examinés. Les études futures devraient rechercher dans quelles circonstances il serait plus utile d'inclure les hommes dans les études sur la planification familiale. En particulier, l'examen des désirs de fécondité des hommes peut être plus important dans les contextes où la fécondité est plus faible et l'utilisation de la contraception plus élevée.

 

Tchoubou Foba Habib: La non-implication des hommes dans la promotion de la planification familiale au Tchad.

La planification familiale a constitué une excellente réponse pour contrôler la croissance rapide de la population car celle-ci peut se révéler un frein aux efforts de développement. Elle a également joué un rôle majeur dans la lutte contre la mortalité maternelle et infantile. Cependant, il convient de noter que malgré les actions entreprises dans ce contexte, la prévalence contraceptive observée au Tchad (5 % en 2015), reste l'une des plus faibles du monde. La plupart des chercheurs continuent d'expliquer cette situation en utilisant uniquement les différents facteurs liés aux femmes. Pourtant, ignorer les hommes (en tant que conjoints) dans la promotion de la planification familiale pourrait constituer l'un des principaux obstacles à la pratique contraceptive. Ainsi, l'étude de la participation des hommes à la promotion de la planification familiale est fondamentale en raison de leur rôle dominant dans la prise de décision familiale, notamment en ce qui concerne la composante reproductive dans le contexte socioculturel du Tchad. À cette fin, le but de cette étude est de comprendre les facteurs explicatifs de la non-implication des hommes dans la promotion de la planification familiale.

  

Hilary Schwandt: « Nous en avons discuté ensemble et nous disons : utilisons la planification familiale pour que nos enfants grandissent bien »: la participation des hommes à la planification familiale au Rwanda va au-delà de la communication sur l'utilisation des moyen de contraception

Hilary Schwandt et Haley Morris ont présenté le thème de la communication entre conjoints sur l'utilisation des moyens de contraception en Afrique subsaharienne. Elles ont présenté certains de leurs propres résultats de recherche sur ce thème ainsi qu’à partir d’exemples tirés de la littérature scientifique. La communication entre conjoints sur l'utilisation de la planification familiale est un excellent prédicteur de l'utilisation effective de moyens de contraception - mais le mécanisme par lequel ces communications se produisent et ce qui se passe au sein du couple reste mal connus. Hilary plaide pour une recherche plus qualitative sur l’effet des nuances de la communication entre conjoints sur l'utilisation des moyens de contraception, et plaide également pour plus de recherche sur la communication entre conjoints et les rapports sexuels ; cela permettrait certainement une meilleure compréhension des échanges au sein du couple sur l'utilisation de la contraception. Hilary a également présenté ses idées pour mener des entretiens qualitatifs avec les deux conjoints du couple afin de mieux comprendre les discussions qui ont lieu au sein d’un couple sur l'utilisation des contraceptifs et sur les rapports sexuels.

 

Minakshi Vishwakarma: Attitude genrée du mari et utilisation secrète d’une méthode contraceptive moderne en Inde

Des chercheurs du monde entier ont soulevé les différences d'attitude et de préférences en matière de reproduction entre les maris et les femmes, ce qui les conduit à avoir des besoins contraceptifs différents. L'utilisation secrète de contraception par les femmes est le résultat de telles situations et est définie comme une utilisation de moyens de contraception sans en informer le conjoint. Ces dernières années, une minorité importante de femmes de nombreuses régions du monde utilisent des moyens de contraception moderne sans en informer leur mari. En Inde, environ 18 % des femmes ne divulguent pas leur contraception à leur mari. La forte désapprobation des hommes à l'égard de la contraception, le pronatalisme des maris et les difficultés de communication entre conjoints sont quelques-unes des raisons avancées pour expliquer l'utilisation secrète de contraceptifs par les femmes. En outre, la littérature scientifique suggère que l'attitude genrée contribue non seulement à façonner les stratégies de reproduction mais aussi à amplifier l'effet d'autres caractéristiques sur la fécondité désirée qui affectent finalement la décision d'utiliser la contraception. L'Inde étant une société patriarcale et les hommes étant l'autorité finale dans la plupart des cas, cette étude propose d'examiner l'hypothèse selon laquelle l'attitude genrée des maris est associée à l'utilisation secrète de moyens de contraception modernes par les épouses. Cette étude utilisera les données sur les couples de la récente enquête démographique et de santé indienne (NFHS-4) pour atteindre cet objectif. La modélisation par équations structurelles sera utilisée pour mesurer la relation complexe entre l'utilisation secrète de la contraception par les femmes et l'attitude genrée des maris.

 

Md Juel Rana: Atteindre la fécondité désirée par les couples indiens : impact de la préférence pour les fils

Des études ont postulé que la parité finale d'un couple est fonction de la parité désirée, des troubles de fécondité, des naissances non désirées, des relations à long terme avec un partenaire de mariage et de l’interaction entre objectifs de fécondité et autres aspirations. Contrairement aux pays développés, dans les pays en développement, en particulier en Inde, la taille moyenne effective de la famille dépasse la taille moyenne désirée, ce qui est souvent interprété comme résultant de naissances involontaires dues à des besoins contraceptifs non satisfaits. Quelques études ont également établi que la préférence pour les fils accroit la taille de la famille dans différentes régions de l'Inde. L'Inde connaît une transition d'une fécondité élevée à une fécondité faible, mais la fécondité varie considérablement d'une région à l'autre. La concordance ou la discordance des choix au sein du couple peut avoir un rôle crucial dans la préférence pour les fils, la fécondité désirée et la fécondité réalisée. Presque aucune étude n’a mis l’accent sur le rôle des dynamiques de préférence des couples pour le sexe de l’enfant dans la réalisation de la fécondité désirée. Il est donc nécessaire d’étudier les liens entre la discordance au sein des couples en matière de préférence pour des fils, la fécondité désirée et le comportement de fécondité en Inde. Les objectifs spécifiques sont les suivants : 1) évaluer les schémas de discordance des couples en matière de préférence pour les fils et de fécondité désirée ; 2) examiner l'association de la discordance des couples avec la préférence pour les fils et la fécondité désirée ; et 3) documenter les effets de la discordance des couples sur la préférence pour les fils et la fécondité désirée sur les comportements de fécondité. Les deux dernières séries de l'Enquête nationale sur la santé de la famille (NFHS) seront utilisées dans les analyses avec des femmes et des hommes en fin de vie reproductive. La variable mesurant la discordance entre fécondité désirée et fécondité réalisée sera regroupée en trois catégories : sous-réalisation, réalisation et sur-réalisation, séparément pour les femmes et les hommes, et des modèles de régression logistique multinomiale seront utilisés.

 

Chaque présentation a été suivie de questions et de réponses.

 

Neetu John, membre du Comité, a résumé les principales idées échangées lors de la séance. En premier lieu, l'approche des couples peut être utile mais elle est sous-étudiée. Il faut donc déterminer comment et quand une telle approche se justifie. De plus, à quoi ressemblerait une approche globale des couples ? De toute évidence, l'accent mis uniquement sur les femmes ignore la réalité d'une grande partie de leur vie (qui se déroule dans le cadre d’une union conjugale). Un travail doit être réalisé avec les couples pour fournir un environnement propice aux femmes et aux hommes afin qu’ils atteignent leurs objectifs de reproduction. Il est important de poursuivre les recherches pour déterminer ce que signifie la communication être conjoints. En ce qui concerne les programmes et interventions en santé de la reproduction, comment pouvons-nous mieux impliquer les partenaires ? Il y a certainement de nombreux points à traiter lors d'une prochaine séance du comité !

 

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