Planification familiale, fécondité et bien-être urbain en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud

Kigali, Rwanda le 14 novembre 2018

  

L'UIESP a organisé une séance-débat sur la planification familiale, la fécondité et le bien-être urbain dans les villes en croissance rapide d'Afrique subsaharienne et d'Asie du Sud: implications politiques lors de la Conférence internationale sur la planification familiale (CIPF) tenue à Kigali (Rwanda) le 14 novembre. Les interventions ont mis l'accent sur les contributions importantes de la planification familiale au bien-être urbain en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud et ont examiné les défis et les opportunités pour les études menées dans des villes en croissance rapide. La séance était présidée par Shireen Jejeebhoy et modérée par Zeba Sathar, avec les intervenants Ilene Speizer, Siddarth Agarwal, Joyce Mumah et Eliya Zulu. Des extraits vidéo des présentations et des discussions sont disponibles ci-dessous. Cliquez sur le texte en surbrillance pour accéder aux présentations



IUSSP Panel session at ICFP 2018 (from left to right: Ilene Spiezer, Siddharth Agarwal, Zeba Sathar, Joyce Mumah and Eliya Zulu)


Pourquoi se concentrer sur la planification familiale dans les zones urbaines?

 

Zeba Sathar (Directrice du Population Council Pakistan), a ouvert la voie en se concentrant sur l'urbanisation rapide de l'Afrique subsaharienne et de l'Asie du Sud et ses conséquences sur les populations urbaines.

La population mondiale devrait augmenter de 2,4 milliards entre 2015 et 2050, trois quarts de cette augmentation se produisant en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, des régions qui représentent plus de 80% de la population mondiale vivant dans la pauvreté absolue. La grande majorité de cette croissance démographique aura lieu dans les zones urbaines. D'ici 2040, la population urbaine devrait dépasser la population rurale d'Afrique subsaharienne et d'Asie du Sud et atteindre 60% en 2050 (voir graphique). L’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud enregistrent les taux de croissance de la population urbaine les plus élevés, actuellement estimés à 3,8% par an pour l’Afrique subsaharienne (doublant tous les 18 ans) et à 2,4% par an pour l’Asie du Sud (doublant tous les 29 ans).

 

Alors que beaucoup de nouveaux arrivants dans les quartiers informels des villes sont des migrants ruraux-urbains, cette croissance sera en grande partie due au nombre plus élevé de naissances que de décès parmi les citadins. Selon Eliya Zulu, 60% de la croissance de la population urbaine en Afrique subsaharienne sera due aux naissances plutôt qu'à l'immigration.


Défis particuliers pour la mise en œuvre des programmes de PF


Bien que les résidents urbains aient généralement une fécondité inférieure à celle des habitants des zones rurales, les inégalités sont plus fortes dans les zones urbaines et la fécondité des citadins pauvres est beaucoup plus élevée que celle des citadins plus riches. À Nairobi, au Kenya, 60 à 70% de la population urbaine vit dans des bidonvilles ou autres habitations insalubres. Les populations des bidonvilles et d'habitations temporaires n'ont pas accès aux services de santé de base, notamment la planification familiale, leurs besoins en matière de contraception moderne sont largement insatisfaits et la fécondité non désirée reste élevée.

 

 

La croissance rapide des zones urbaines, en particulier dans des habitatations temporaires et des bidonvilles, et l'hétérogénéité des populations urbaines posent des problèmes particuliers pour la mise en œuvre de programmes de planification familiale et de santé de la reproduction. Les données concernant les populations les plus pauvres et les plus vulnérables des bidonvilles sont souvent limitées. La plupart des efforts et des fonds consacrés à la planification familiale et à la santé de la reproduction ont été concentrés sur les zones rurales, mais les investissements dans les zones urbaines pourraient permettre de réaliser d’énormes gains en matière de santé, d’éducation, de sécurité alimentaire, de conditions de vie, d’emploi et de revenus.


Problèmes critiques et questions


Les membres du comité ont présenté leurs recherches et leurs expériences de travail dans des zones urbaines d'Afrique et d'Asie du Sud et identifié un certain nombre de questions clés, notamment :

  • Quels aspects de la vie urbaine les chercheurs, les décideurs et les responsables de la mise en œuvre des programmes doivent-ils prendre en compte dans la recherche et la conception des politiques?
  • De quoi avons-nous besoin en termes de données, d’analyses et de résultats pour convaincre les décideurs politiques d’investir dans la satisfaction des besoins et le bien-être des citadins?
  • Quels aspects des diverses populations urbaines rendent difficile la  compréhension des besoins et les réponses à y apporter?
  • Quels éléments de programme ont été jugés prometteurs pour accroître l’accès aux services pour les groupes défavorisés dans ces habitats?
  • Qu'avons-nous appris des études en milieu urbain pour contribuer au succès à long terme de ces programmes?

 

Ilene Spiezer (University of North Carolina at Chapel Hill)  s'est concentrée sur les obstacles rencontrés par les femmes, les adolescents et les jeunes pauvres des zones urbaines avant de pouvoir recourir à la planification familiale et accéder aux soins de santé sexuelle et reproductive. Une évaluation de l'initiative URHI (Urban Reproductive Health Initiative) financée par la Fondation Bill & Melinda Gates au Kenya , au Nigeria , au Sénégal et dans l'État d' Uttar Pradesh, en Inde, montre que les femmes urbaines défavorisées adopteront une méthode de contraception en présence des facteurs suivants:

  • des services de planification familiale de qualité,
  • des programmes s'attaquant aux vieux mythes et perceptions erronées sur la planification familiale par le biais de sensibilisation communautaire et de relations interpersonnelles,
  • la mise en place d’actions permettant de favoriser la demande pour modifier les souhaits en matière de fécondité, accroître les connaissances sur les avantages de la PF ou élargir l’ éventail des méthodes.

 




Joyce Mumah (consultante indépendante) a examiné les recherches menées dans le cadre du projet STEP UP (Renforcer les bases factuelles pour la programmation de la grossesse non désirée) dans les bidonvilles de Korogocho et de Viwandani à Nairobi, au Kenya. Elle soutient que les interventions intégrées ont plus de succès que les programmes de PF à intervention unique pour réduire la pauvreté et peuvent conduire à une baisse significative des taux de mortalité maternelle et infantile. Le gouvernement du Kenya et ses partenaires donateurs ont investi des ressources substantielles pour améliorer les résultats sanitaires et économiques, en particulier parmi les groupes vulnérables comme les citadins pauvres des quartiers informels. Outre le financement des moyens contraceptifs, d'autres services sociaux et de santé ont été proposés, notamment des soins gratuits pour les enfants de moins de 5 ans dans les établissements de santé publics, des soins de maternité gratuits, des soins de santé primaires gratuits, la modernisation des habitations insalubres, etc. Les approches intégrées, bien que plus efficaces, sont également plus intensives et plus coûteuses à mettre en œuvre et sont donc moins attrayantes pour les donateurs dont les cycles de financement sont courts. Le défi consiste à convaincre davantage de donateurs et de gouvernements d’investir dans ces approches intégrées les plus prometteuses en termes d’intensification et de durabilité.





Siddharth Agarwal (Urban Health Resource Centre, Inde) s'est inspiré de son expérience de terrain avec les populations exclues des bidonvilles urbains de l'Inde pour conseiller à ceux qui cherchent à agir auprès des citadins pauvres d'écouter et de travailler avec les membres de la communauté dans la conception et la mise en œuvre de programmes de planification familiale. Par exemple, inciter les femmes compétentes des bidonvilles et des quartiers informels à promouvoir l'éducation des filles et des garçons, à encourager le report du mariage et de la maternité des adolescentes, à informer les adolescents sur les méthodes de contraception modernes et à leur y donner accès. Il a évoqué l’intérêt de cartographier les quartiers locaux avec les membres de la communauté pour identifier les ménages pour des interventions ciblées - tels que les ménages avec des couples de jeunes mariés qui pourraient vouloir retarder la procréation ou les ménages avec des filles atteignant la puberté pour encourager les familles à retarder leur mariage et les garder à l'école.  





Eliya Zulu (African Institute for Development Policy – AFIDEP)  s'est concentrée sur les défis politiques et stratégiques au niveau national et sur les implications de la croissance urbaine rapide pour les gouvernements. Les jeunes et le rôle que la planification familiale peut jouer pour accroître leurs possibilités d’éducation et d’emploi sont d’une importance capitale. Les gouvernements ont besoin d'informations sur les investissements nécessaires pour tirer un dividende démographique d'une main-d'œuvre nombreuse et jeune, y compris des investissements dans la planification familiale, l'éducation et les opportunités d'emploi pour les jeunes.    

 

Ces brèves présentations ont été suivies de questions et de discussions avec la modératrice puis avec l’assistance, portant surdivers sujets, notamment les besoins en matière de recherche, la collecte de données dans des contextes urbains pauvres et la prise de contact avec des populations urbaines vulnérables ou exclues, ainsi que les activités de sensibilisation efficaces auprès des chefs  de communautés et desresponsables gouvernementaux aux niveaux municipal et national. Ce fut une séance très suivie avec une discussion animée.

 

Cliquez ici pour accéder au hub vidéo pour en savoir plus sur le programme et les séances de la conférence ICFP2018.

 

 

 

* Cette activité est financée par une subvention (OPP1179495) de la Fondation Bill & Melinda Gates à l'UIESP afin de soutenir un projet de quatre ans visant à produire des éléments de preuve pertinents sur les politiques concernant les effets de la planification familiale et des changements de fécondité sur le bien-être urbain. La subvention offrira des bourses à des chercheurs en début de carrière et en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud pour mener des recherches. Le projet comprend des activités de mentorat et de formation, ainsi que des fonds pour la sensibilisation aux politiques aux niveaux local, national et international. Le but ultime du projet est de sensibiliser les planificateurs urbains et les décideurs à la contribution de la planification familiale à la création de villes durables, ainsi qu’à l’inscrire au programme de la politique de la ville, où il a été largement absent.