Après plusieurs mois de lutte contre une grave maladie, Catherine Rollet s’est éteinte le vendredi 16 décembre 2016.
Historienne et démographe, spécialiste du 19e siècle en France et passionnée par la question de l’enfance, Catherine Rollet a joué un rôle majeur dans la communauté académique et scientifique française et internationale, au cours d’une longue carrière, de près d’un demi-siècle. Après un diplôme d’histoire et de démographie générale de l'Institut de démographie de Paris (Sorbonne), puis d’une thèse de IIIe cycle en démographie historique, c’est en 1988 que Catherine soutient sa thèse de doctorat d'État sous la direction d’Alain Girard, "La politique à l'égard de la petite enfance sous la IIIe République". Ce travail inédit fera date. Il recevra le Prix 1988 de la Fondation Mustela, Fondation de France et sera publié deux ans plus tard aux Éditions de l'Ined. À ce titre, Catherine aimait à se souvenir de son collègue et complice, Alain Norvez, disparu prématurément, qui avait soutenu et publié sa propre thèse d’État en même temps qu’elle, sur un sujet très proche.
Avant même la soutenance de sa première thèse, elle intègre dès 1968 le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et rejoint le Laboratoire de démographie historique de l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). En 1975, elle part pour l’université. D’abord l’Université Paris V pendant 15 ans, puis un passage à l’Université de Bordeaux, avant de rejoindre en 1992 l’Université de Versailles St Quentin (UVSQ), qui vient juste d’être créée. Elle participe à la mise en place d’une filière complète de sociologie et à la création du laboratoire Printemps (« Professions, Institutions, Temporalités »). Au début, seule démographe, elle y joue un rôle moteur dans le développement d’enseignements spécialisés en sciences de la population. Retraitée et professeure émérite depuis 2009, Catherine Rollet a depuis lors poursuivi ses activités de recherche sans discontinuité.
La carrière de Catherine est très riche. Son parcours témoigne de ses multiples engagements et de sa capacité, facilitée par une grande rigueur et une organisation du travail efficace, à combiner activité scientifique, activité pédagogique et responsabilités multiples, sans jamais que l’une ne se fasse au détriment des autres.
L’enseignement a occupé une place centrale dans cette carrière. Attentive aux étudiants, Catherine a toujours eu à cœur de transmettre un enseignement passionné et exigeant. C’est dans cet esprit qu’elle a publié plusieurs ouvrages pédagogiques sur la population et les méthodes démographiques. C’est aussi parce qu’elle prenait très au sérieux son rôle d’enseignante, qu’elle a assumé de nombreuses responsabilités universitaires, notamment à l’UVSQ : la direction d’un Master de Démographie (2001-2009), la direction du département de sociologie (1999-2004), la participation comme membre élu au Conseil d’études et de la vie universitaire (2000-04). Ce goût pour la formation des jeunes générations, Catherine Rollet l’a également déployé en encadrant de nombreuses thèses et en stimulant des problématiques de recherche originales et ambitieuses.
Reconnue comme l’une des grandes spécialistes françaises de l’enfance au 19e siècle, elle ne s’est pas limitée à ce champ de recherche, et a développé à la croisée de 3 disciplines - l’histoire, la sociologie et la démographie- de très nombreux travaux traitant de la famille, des politiques sanitaires et sociales, de la mortalité infantile, du traitement du handicap, de la santé en temps de guerre et des métiers du social et de l'enfance. Loin de circonscrire ses recherches à l’hexagone, elle a également entrepris de nombreux travaux de comparaisons internationales. Sa bibliographie témoigne de sa grande curiosité intellectuelle et de la variété des objets et terrains sur lesquels elle a travaillé. Catherine nous quitte sans avoir pu complètement terminer son dernier grand chantier : la biographie de l’homme politique Paul Strauss, (1852-1942), figure éminente de la réforme sociale et sanitaire sous la Troisième République. Ce travail qu’elle avait quasiment finalisé devrait voir le jour à titre posthume. Tout au long de sa carrière de chercheure, elle n’a cessé de diffuser les résultats de sa recherche sous forme d’ouvrages et d’articles dans les revues scientifiques, mais également à un public plus large. Soucieuse d’une diffusion des connaissances scientifiques allant au-delà du cercle restreint des spécialistes, elle a toujours eu la préoccupation de s’adresser à une audience plus large, au travers d’articles de vulgarisation, d’interventions dans les médias, de conférences auprès de professionnels de l’enfance, ou encore par sa participation à des expositions ou des documentaires en tant que conseillère scientifique.
Il serait ici difficile de rappeler toutes les responsabilités que Catherine Rollet a occupées pendant sa carrière. Elles sont très nombreuses aussi bien dans les instances académiques nationales, que dans les organismes de recherches et les associations savantes : membre du Comité national du CNRS, Présidente du Conseil scientifique de l’INED, membre du Bureau de la Société de démographie historique et du comité de rédaction des Annales de démographie historique… La communication auprès des décideurs l’a toujours intéressée et elle a exercé pendant plusieurs années une activité de conseil auprès du Ministère de la Recherche.
Membre de l’UIESP depuis 1981, elle a présidé le Comité international et le Comité national d’organisation du Congrès de Tours en 2005, donnant à l‘événement un éclat sans précédent. Elle a ensuite partagé son expérience avec les organisateurs du Congrès de Marrakech, en tant que membre du Comité de pilotage. Membre du Conseil de l’Union de 2006 à 2013, elle a suivi plus particulièrement les activités du comité scientifique de démographie historique. Elle y a œuvré avec conviction pour défendre le multilinguisme et la place du français à l’Union, en parvenant notamment à lever des fonds pour assurer une traduction simultanée trilingue à Tours et bilingue dans la plupart des séances du Congrès de Busan en 2013.
Pour ses contributions au rayonnement de la démographie historique et son engagement dans la communauté scientifique, Catherine Rollet a reçu deux distinctions nationales, l’Ordre national du Mérite en 2006 et la Légion d’honneur en 2010.
Au-delà de cette carrière sans faute, Catherine était surtout une collègue qui a su nouer une véritable amitié avec beaucoup d’entre nous. Sa curiosité intellectuelle, sa rigueur, son sens du collectif, sa disponibilité et son écoute, son attention aux autres en faisait une personne à la fois passionnante et attachante avec qui il faisait bon travailler, mais aussi échanger sur les choses de la vie. Ainsi elle aimait à parler de ses proches, de son mari, de ses enfants, et tout particulièrement de ses cinq petits-enfants, qui étaient aussi source de ses réflexions sur l’enfance.
Nous perdons une collègue estimée et sa famille perd un être très cher, toutes nos pensées vont à Christian son mari, à Anne, Nathalie, et Thomas ses enfants et à Sabine, Solveig, Mathilde, Robin et Sarah, ses petits-enfants.
Olivia Samuel, Véronique Hertrich et France Meslé
Members' testimonials and tributes to Catherine Rollet
I was very saddened to learn of the recent death of Catherine Rollet. I had the honor of getting to know her while I served as IUSSP Secretary General and Treasurer (SGT; 2001-2005). Those were difficult years for the Union because of its move in 2000 from Liege to Paris and its need to build a new management team and consolidate its finances. As I started my work as SGT, I quickly learned that Catherine Rollet was the person in Paris to turn to for advice and assistance. She was always generous with her time, willing to help out with small as well as big problems, and always provided sound advice. As President of the 2005 IUSSP International Population Conference (IPC), hosted by France and held in Tours, Catherine provided the leadership that made that IPC one of the largest and most successful that the IUSSP has every organized. It was a pleasure to work with Catherine and her French colleagues on that Conference.
During my tenure as SGT, I also became friends with Catherine and her husband Christian and enjoyed their hospitality on several occasions. On most of my trips to Paris, they invited me to their lovely apartment where I learned more about Catherine’s family, civic, and academic affairs. They were always gracious hosts and even entertained my husband and me once when we showed up at their apartment on the wrong evening. We, of course, were deeply embarrassed but Catherine and Christian quickly made us feel welcome by sharing wine, cheese, and conversation with us. Catherine will not only be remembered by us, her colleagues, and others for her numerous and prolific contributions to the field of demography but also as a very kind, generous, and decent person. She will be missed.
Mary M. Kritz
L'annonce du décès de Catherine Rollet m'a frappée comme un coup de poing. Je ne la connaissais pas intimement, mais j'ai l'impression d'avoir perdu une amie très chère.
Je me rappelle notre première rencontre : c'était à Louvain-la-neuve et nous avions des chambres dans la même résidence étudiante. Alain Norvez, toujours le premier sorti du lit, venait frapper à nos portes pour s'assurer que nous serions prêtes pour les premières communications du matin. J'ai revu Catherine dans plusieurs colloques; en 1994, elle m'a invitée à participer à un séminaire qu'elle animait. J'ai utilisé le petit livre Introduction à la démographie pour soutenir le cours que j'ai donné à des centaines d'étudiants.
Je ne sais plus trop quand je l'ai vue la dernière fois... à Busan peut-être, mais je garde le souvenir précieux de son beau sourire, de son élégance, de son charme. Pour moi, c'était l'image même d'une grande dame.
Toutes mes condoléances à son mari (que j'ai rencontré à plusieurs reprises) et à toute sa famille, ainsi qu'à tous les collègues qu'elle a sans doute inspirés autant que moi.
Evelyne Lapierre Adamcyk
Le départ de Catherine Rollet est une grande perte pour la démographie française. En effet, Catherine était non seulement une excellente démographe mais aussi une humaniste. Je me souviens de son travail de qualité et aussi de sa gentillesse. Elle était toujours disponible et à l’écoute des autres. Mes meilleurs souvenirs d’elle se rattachent aux différentes conférences de l’Union. Son Introduction à la démographie chez Armand Colin est un petit joyau et un modèle du genre. Ce livre témoigne de sa grande culture, de sa curiosité intellectuelle et de la vision juste qu’elle avait des affaires internationales. Avec elle, nous avons perdu une grande dame et une vraie citoyenne du monde. Ma femme et moi souhaitons présenter nos sincères condoléances à Christian et à sa famille.
John F. May